Georges Bizet

Djamileh

opéra comique 1 Akt

Libretto:

Louis Gallet nach der Verserzählung Namouna von Louis Charles Alfred de Musset

Uraufführung:

22. Mai 1872 Paris, Opéra-Comique

Djamileh (eine junge Sklavin) – Mezzosopran
Harun (ein reicher junger Türke) – Tenor
Splendiano (sein Erzieher und Fakotum) – Bariton
Sklavenhändler, Tänzerinnen, Sklavinnen, Wachen
Haruns Palast in Kairo, 19. Jahrhundert

1. Choeur et Rêverie

RIDEAU
Au lever du rideau, Haroun et Splendiano sont en scène – Splendiano accroûpi devant une table basse et écrivant – Haroun étendu et fumant.

Choeur (TTBB) [chantent à bouches fermées]

Choeur (S)
Le soleil va; ramène ta voile
C’est la fin du jour,
Et vers l’Orient, vers l’Orient la première étoile
S’allume, invitant notre âme à l’amour!
[de plus près] Le soleil va; ramène ta voile
C’est la fin du jour,
Et vers l’Orient, vers l’Orient la première étoile
S’allume, invitant, invitant notre âme à l’amour!

Haroun
Dans la blonde fumée
Qui monte parfumée
Vers le soleil mourant,
Naissent de blancs atômes,
Impalpables fantômes
De mon rêve enivrant, de mon rêve enivrant!
Et je vois, lumineux cortége,
Je vois leur corps de neige
Flotter, flotter encor.
Et des formes exquisites
S’ébaucher indécises,
S’ébaucher indécises
Dans la poussière d’or!
Il rêve. Splendiano s’est assoupi peu à peu.

Djamileh entre par un porte latérale traverse lentement la scène et disparaît après avoir jeté un regard plein de tendresse sur Haroun qui ne la remarque pas.

Choeur (TTBBB) [chantent à bouches fermées] Choeur (S)
Le soleil va; ramène ta voile
C’est la fin du jour,
Et vers l’Orient, vers l’Orient la première étoile
S’allume, invitant, invitant notre âme à l’amour!

Dialogue

Splendiano
Vous n’avez aucun regret?

Haroun
Aucun…
2. Duo et Couplets

Splendiano
Songez-y bien?
[prétentieusement] à la fleur près de naître,
Il ne faut qu’un rayon ou qu’une goutte d’eau!
Au fond de votre coeur fermé comme un tombeau,
Un doux germe d’amour attend aussi peut-être
Les larmes d’une femme ou son regard vermeil!
Songez-y bien, Seigneur, songez-y bien!

Haroun [railleur] Vieux rhéteur, laisse donc ta pluie et ton soleil!
Mon âme est un désert, et si par aventure
Une fleur s’y cachait, il faudrait, je t’assure,
Pour la faire sortir, brillante du néant,
Plus qu’une goutte d’eau, mon cher…un Océan!

Splendiano
Il ne faut qu’un rayon, Seigneur! songez-y bien!
Haroun
Laisse donc ton soleil, vieux rhéteur!

Splendiano
Djamileh, cependant, est belle!

Haroun
Elle est venue
Ou trop tôt ou trop tard.
D’ailleurs, destin promis aux fragiles amours,
Elle a comme toujours
Une rivale, hélas!

Splendiano
Vraiment?

Haroun [riant] Vraiment!

Splendiano
Et cette rivale… c’est?

Haroun
L’inconnue!
Celle que l’on n’attend pas
Qui vient à l’heure ignorée,
Par le dieu hasard parée
Des plus séduisants appas!
Splendiano
Oui, celle qu’on n’attend pas!
Qui vient à l’heure ignorée,
Haroun
Oui, celle que l’on n’attend pas
Splendiano
Oui, celle qu’on n’attend pas
Haroun, Splendiano
D’irrésistibles appas
Est parée!
Haroun
Celle que l’on n’attend pas
Splendiano
Celle que l’on n’attend pas
Haroun
Qui vient à l’heure ignorée,
Splendiano
Par le hasard est parée.
Haroun
Est parée des plus séduisants appas!
Splendiano
L’inconnue,
Haroun, Splendiano
l’inconnue,
Splendiano
l’inconnue,
Haroun, Splendiano
l’inconnue,
Splendiano
Celle que l’on n’attend pas
l’inconnue,
Haroun
Celle que l’on n’attend pas,
Haroun, Splendiano
l’inconnue!

Splendiano
Tout va bien!

Haroun
Aime donc Djamileh!
Quant à l’autre…
Fais à ton gré, mon cher!..

Splendiano
Mon goût n’est pas le vôtre…
L’esclave…

Haroun
Eh! choisis-moi celle que tu voudras.
Couplets

Haroun
Tu veux savoir si je préfère
La mauresque aux yeux languissants,
Ou bien la juive au front sévère,
Ou la grecque, ivresse des sens?
Dans mon coeur, foyer plein de cendre,
Tout est glacée, je le sens bien!
Mon souvenir y peut descendre
Hélas! il n’y rallume rien…
il n’y rallume rien! hélas! non, rien!
Que l’esclave soit brune ou blonde,
Je cède au charme tour à tour,
Je n’aime aucune femme au monde, aucune femme…
J’aime l’amour! j’aime l’amour…
l’amour… l’amour! l’amour! l’amour!
Ah! j’aime l’amour, oui, j’aime l’amour!

Splendiano [se frottant les mains] C’est fort bien dit! et pour le projet qui me tente
Votre morale est rassurante,
Votre morale est rassurante…
Et pardieu! je ne m’en plains pas!
Djamileh! tu m’appartiendras!

Haroun
Dans la coupe qu’elle caresse
Ma lèvre en feu n’a qu’un trésor:
Le vin qui nous verse l’ivresse
Dans l’argile comme dans l’or!
Pourvu qu’il ait la même flamme,
Le métal peut changer cent fois,
Si l’amour parfume mon âme,
Qu’importe la source, la source où je bois?
Qu’importe?.. qu’importe?..
Que l’esclave soit brune ou blonde,
Je cède au charme tour à tour,
Je n’aime aucune femme au monde, aucune femme!…
J’aime l’amour! j’aime l’amour!
Splendiano [riant] L’amour!
Haroun
l’amour!
Splendiano
l’inconnue!
Haroun, Splendiano
l’inconnue!
Haroun
Celle que l’on n’attend pas
Qui vient à l’heure ignorée,
Par le Dieu hasard parée
Des plus séduisants appas!
Splendiano
Oui, celle qu’on n’attend pas!
Qui vient à l’heure ignorée,
Haroun
Oui, celle que l’on n’attend pas
Splendiano
Oui, celle qu’on n’attend pas
Haroun, Splendiano
D’irrésistibles appas
Est parée!
Haroun
Celle que l’on n’attend pas!
Splendiano
Celle que l’on n’attend pas
Haroun
Qui vient à l’heure ignorée,
Splendiano
Par le hasard est parée.
Haroun
Est parée des plus séduisants appas!
Splendiano
L’inconnue,
Haroun, Splendiano
l’inconnue,
Splendiano
l’inconnue,
Haroun, Splendiano
l’inconnue,
Splendiano
Celle que l’on n’attend pas,
l’inconnue,
Haroun
Celle que l’on n’attend pas,
Haroun, Splendiano
l’inconnue!

Dialogue

Haroun
Puis, tu sais…

Splendiano
Oui, oui,
[à part, en sortant] s’il l’aimait!
3. Trio et Ghazel

Haroun [prenant la main de Djamileh] Quelle pâleur est sur ta joue?..
Quelle ombre furtive à glissé
Sur ton front si pur où se joue
Un rayon à peine effacé?

Djamileh [sombre] J’ai fait un rêve!

Haroun
Enfant!
[il l’ambrasse au front]

Djamileh [montrant un visage radieux] Ah tiens! tout est passé!

Haroun
Mais encor?

Djamileh
Je voyais au loin la mer s’étendre
Et gronder, et gronder autour de moi;
Vainement, vainement je voulais tendre
Mes bras defaillants, mes bras vers toi.
Sous mes mains s’ouvrait le vide
Et dans le désert des flots,
La mer couvrait, voix perfide,
Mes appels et mes sanglots!
La mer couvrait mes cris et mes sanglots!

Haroun
Folle!

Djamileh
Haroun, ti dis vrai, peut être j’étais folle,
Oui, je sentais en moi, comme un pressentiment…

Haroun [à part] Cette pensée en ce moment…
Peut elle se douter?

Djamileh
Mais un mot me console
Et je bénis mon tourment,
Puisque le rêve qui s’envole,
[avec tendresse] Me rend ta voix plus douce et ton coeur plus aimant!

Haroun [à part] De l’amour, pauvre enfant!

Splendiano rentre précédant les esclaves qui portent et servent le souper.

Haroun [à Djamileh] Chére, laissons nous vivre,
Le sourire fleurit sur ta lèvre, oublions
Les rêves insensés qu’un doute pourrait suivre, Djamileh!
Mets-toi là, près de moi! soyons gais, et soupons!

Splendiano [épanoui] Bien dit: bien dit: soupons!

Djamileh
Ah! L’aîle d’un rêve ets legère
L’aîle d’un rêve est legère
Une image passagère
Rendait mon front soucieux!
ah rendait mon front soucieux.
Mais il parle et j’espère,
Mais il parle et moi j’espère…
C’est un avenir prospère
Que je lis dans ses yeux!
Il parle et moi j’espère…
Oui, c’est un avenir prospère
Que je lis dans ses yeux!
Haroun
Oui, l’avenir a son mystère;
Qu’il soit funeste ou prospère,
Je n’en suis pas soucieux.
Cette heure m’est chère;
Le vin rit dans mon verre
Et le plaisir et le plaisir, oui le plaisir dans tes yeux!
Splendiano
Oh! beauté pure en qui j’espère
Bientôt viendra l’heure chère,
L’heure où je te dirai mes voeux!
Que le vin coule à plein verre!
Philtre charmant qui doit faire
Luire l’amour dans ses yeux,
Luire l’amour dans ses yeux!
Luire l’amour dans ses yeux!

Haroun [avec bonté] Je veux te voir heureuse,
O Djamileh! et ton bonheur peut être
Espère encor quelque chose de moi?..

Djamileh [surprise] Que puis-je désirer?..

Haroun
La liberté!

Djamileh [simplement] Pourquoi?
Je ne demande rien, mon maître
Je suis heureuse en ta maison,
Mon âme ne saurait connaître
De plus radieux horizon!
De cette âme un instant troublée
Toute crainte s’est envolée,
Ta voix m’a rendu la raison, non, non, je ne demande rien, mon maître.

Splendiano [avec entrain mirant son verre] Oh! que la vie est bonne et me semble enviable
Alors qu’on est à table
Et que l’on voit le monde au travers de ceci!

Haroun
Il a raison, buvons ma belle!
Puisque dans la coupe étincelle,
Le vin qui charme le souci!

Djamileh
Aucun souci ne m’inquiète
Et pour avoir le coeur en fête
Oui, pour avoir le coeur en fête
Je n’ai besoin que d’être ici!

Haroun
Si ta lèvre repousse
Cette blonde liqueur
Djamileh!
Dis-moi quelque chanson, notre ivresse est plus douce
Quand la berce,
Une voix au murmure enchanteur!

Djamileh
Haroun, ta servante est prête
Ton désir est ma loi!

Splendiano [qui est allé chercher un luth sur lequel il prélude comiquement; à part] Va! chante pour lui, ma fauvette,
Bientôt tu chanteras pour moi!
[il donne le luth à Djamileh] Ghazel
[Djamileh prélude]

Djamileh [simplement] Nour-Eddin, roi de Lahore,
Est fier comme un dieu!
Il est beau comme l’aurore
Il est beau,
Ses yeux sont de feu!
Quand son regard, flèche ardente,
Est posé sur moi,
Je reste toute tremblante, toute tremblante,
Je ne sais pourquoi!
Ah! Nour-Eddin, Nour-Eddin est fier comme un dieu,
Il est beau comme l’aurore!
Ainsi parlait dans on rêve,
La naïve enfant!
Ainsi parlait la naïve enfant
Aveu timide qu’achève
Un coeur triomphant!
[douloureusement] la la la la la la
la la la la la la.

Lorsque le Roi dan la foule
S’éloigne à pas lents,
Un ruisseau de larmes coule
Sous mes cils, sous mes cils tremblants!
D’où vient l’émoi qui m’agite!..
Et d’où vient aussi
Dès que son regard me quitte, hélas! d’où vient
Que je pleure ainsi?
Ah! lorsqu’il s’éloigne à pas lents,
Un ruisseau de larmes coule sous mes cils tremblants!
Ainsi voulait la pauvre âme,
Trouver le secret, le secret
De cette invisible flamme de cette flamme
Qui la dévorait!
[douloureusement] la la la la la la
la la la la la la.

Haroun [interrompant doucement Djamileh] L’histoire sans doute est des plus touchantes,
J’en sais la fin…
[à part] Cherchons des images riantes.
[à Djamileh] Enfant, laissons
Dans les buissons,
Enfant, laissons
La fleur flétrie,
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous l’ivresse et les chansons!
Enfant laissons
Dans les buissons,
Enfant, laissons
La fleur flétrie,
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous la folie et les chansons!
Djamileh
Laissons, laissons
La fleur flétrie,
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous l’ivresse et la folie
À nous l’ivresse et les chansons!
Laissons, laissons
La fleur flétrie,
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous l’ivresse et la folie
À nous l’ivresse et les chansons!
Haroun
Enfant laissons
Dans les buissons,
Enfant, laissons
La fleur flétrie,
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous la folie et les chansons!
Splendiano
Laissons, laissons
Dans les buissons
La fleur flétrie
Et dépensons
Gaiment la vie,
À nous l’ivresse et les chansons!
Djamileh, Haroun, Splendiano
À nous les chansons!
À nous, à nous l’ivresse et les chansons!

Dialogue

Djamileh
Moi, t’en vouloir, maître.

Haroun
Tu es charmante!
4. Scène et Choeur

Haroun
Ah! je t’ai ménagé une surprise.

Splendiano [avec intention] Une jolie surprise!

Haroun [prenant des mains de Splendiano un collier qu’il passe au cou de Djamileh] Regarde!

Djamileh
Ah! le beau collier! il est digne d’une reine!

Splendiano [à part] Il fait bien les choses!

Haroun
Eh! bien?

Djamileh
Ce que j’aime le mieux en lui pourtant c’est…

Haroun
C’est?

Djamileh
La main qui le donne!

Haroun [faisant un geste d’insouciance, puis prenant la main de Djamileh] Enfant, tu entres dans la vie; tu es bonne et aimante; le bonheur t’est promis sans doute, souviens-toi de moi!
[Djamileh le regarde toute interdite]

Splendiano
J’entends vos amis, vous allez jouer encore ce soir?..

Haroun
Comme toujours! il ne faut pas être inconstant.
[bas] C’est la fin de la comédie, tu m’as compris?..
[Splendiano fait un geste d’assentiment]

Haroun
C’est bien!
[Haroun va à la rencontre de ses amis]

Les Amis d’Haroun (T)
Salut! salut! seigneur Haroun.

Les Amis d’Haroun (B)
Salut! salut! seigneur Haroun.

Haroun [leur serrant les mains] Amis, amis, je vou salue,
Joyeuse bienvenue
À ceux que parmi nous la fortune conduit!
Ah! Nous allons jouer follement cette nuit!

Amis d’Haroun (TBB)
Oui, nous allons jouer follement cette nuit!

Djamileh, qui n’est pas voilée, s’est mise à l’écart; les amis d’Haroun l’aperçoivent et se la montrent discrètement.

Amis d’Haroun (B1)
Quelle est cette belle
Dont l’oeil étincelle
Et qui s’offre à nous
Sans voiles, sans voiles jaloux?
Voyez, voyez,
Quelle est cette belle
Dont l’oeil étincelle!

Amis d’Haroun (B2)
Quelle est cette belle
Dont l’oeil étincelle
Et qui s’offre à nous
Sans voiles, sans voiles jaloux?

Amis d’Haroun (T2)
Quelle est cette belle
Dont l’oeil étincelle?

Amis d’Haroun (T1)
Quelle est cette belle
Dont l’oeil étincelle?

Amis d’Haroun (B)
Ses lèvres son closes
Et l’oiseau baiser,
Sur ce nid de roses,
Voudrait se poser, oui voudrait se poser!
Son doux front épanche
Sur sa main plus blanche
Que le lis des près,
Ses cheveux ses cheveux ambrés;
Et sur ce nid de roses,
Le baiser, le baiser,
Voudrait se poser!
Amis d’Haroun (T)
Ses lèvres son closes
Et l’oiseau baiser,
Sur ce nid de roses,
Ah! Oui, sur ce nid de roses,
Sur ce doux nid de roses,
L’oiseau baiser
Voudrait se poser!
Amis d’Haroun (TT)
Elle est sans pareille
Et nos yeux épris
De cette merveille,
Devinent le prix!
Amis d’Haroun (BB)
Elle est sans pareille
Et nos yeux épris
De cette merveille,
Devinent le prix!
Oui, l’oiseau baiser
Amis d’Haroun (T)
Sur ce nid de roses,
Amis d’Haroun (TTBB)
Voudrait se poser!

Djamileh se détourne en jetant à Haroun un regard de reproche.

Haroun [nonchalamment] C’est Djamileh! venez!
Tandis qu’une voix austère
Du haut du minaret,
Tandis qu’une voix austère
Nous invite à la prière,
Donnons au plaisir nos heures,
Et chassons de nos demeures
L’ennui, cet hôte indiscret, oui donnons au plaisir nos heures
Chassons l’ennui, cet hôte indiscret!
Amis d’Haroun (TTBB)
Tandis qu’une voix, une voix austère
Nous invite à la prière,
Donnons au plaisir, au plaisir nos heures,
Chassons de nos demeures
Chassons de nos demeures, amis, chassons
L’ennui, cet hôte indiscret!
Splendiano [à part avec une joie comique] Vivat! ma victoire, ma victoire est claire!
Il n’est plus besoin de taire
Mon amour ni mon secret!
Ma victoire est claire
Il n’est plus besoin de taire
Ni mon amour ni mon doux secret.
Je dis, je dis, va-t’en! elle pleure
Je dis, je t’aime et sur l’heure
Elle rit. le tour est fait!

Haroun et ses amis sortent, Splendiano les suit.

Dialogue

Djamileh
Oubliée, quand là tout à l’heure… oh! je rêve
5. Chanson

Choeur (B) [dans la coulisse] La fortune est femme,
Pour qui la réclame
Elle a des rigueurs, oui des rigueurs,
Haroun, Choeur (T) [dans la coulisse] La fortune est femme;
Haroun, Choeur (TB)
Pour qui la réclame,
Elle a des rigueurs:
Haroun, Choeur (T)
Et dnas ses caprices,
Choeur (B)
Et dans ses caprices, dans ses caprices,
Haroun, Choeur (TB)
Souvent aux novices
Garde ses faveurs;
Mais si le jeu qui nous tente
Fait trouver l’heure moins lente,
Haroun, Choeur (T)
Bon ou mauvais soit le destin,
Choeur (T)
Bon ou mauvais soit le destin,
Haroun, Choeur (T)
Amis, jouons jusqu’au matin,
Choeur (B)
Amis, jouons jusqu’au matin, oui, jusqu’au matin,
Haroun, Choeur (TB)
jusqu’au matin!

Dialogue

Splendiano
Je vais tout disposer selon tes désirs… espère!..
[il sort] 6. Lamento

Djamileh
Sans doute l’heure est prochaine,
Où je mourrai de ma peine!
Puis-je être heureuse encor?
Quel arrêt vais-je entendre?
Le ciel doit-il me prendre
A jamais mon trésor?.. mon trésor?.. mon trésor?
Hélas! une frêle trame
Peut elle enchaîner cette âme?
Illusion d’un jour!
Un seul regard du maître,
Un seul mot va peut être
Effacer tant d’amour! tant d’amour! tant d’amour!
Un seul mot! un seul regard! hélas!

Dialogue

Haroun
Venez puisqu’il le veut…
6 bis. Mélodrame

Splendiano
Non! je ne veux pas vous imposer mon goût. [appelant] Arakel! le marchand peut entrer.
[à Hroun et à ses amis] Ne vous impatientez pas, vous retournerez tout à l’heure.
[Entrée du marchand d’esclaves et de sa suite]

Splendiano
Pardieu!.. les belles filles!

Le Marchand
N’est-ce pas? oh! le seigneur Haroun est un homme généreux!..

Splendiano
Oui, oui! nous savons cela…

Le Marchand
Voyez Seigneur jetez un coup d’oeil sur ces trésors.

Haroun
Vantard! allons! je m’en vais.

Le Marchand
Quoi! Seigneur! vous ne souffrirez pas que je vous dise…

Haroun
Eh! que m’importe! arange toi avec Splendiano.

Le Marchand [aux musiciens] Un seul regard! Allez vous autres!
Une vraie perle, Seigneur, regardez!
7. L’Almée (Danse et Choeur)

Choeur des Amis d’Haroun (BB)
Froide et lente,
Indolente,
Et les yeux assoupis,

Choeur des Amis d’Haroun (T)
Elle pose
Son pied rose
Sur les fleurs du tapais.
Et comme elle,
Solennelle
La musique s’endort.

Choeur (BB)
Soupir vague
De la vague,
Baisant le sable d’or!

Choeur (T)
Bientôt sonne
Et l’étonne
L’appel du tambourin;
Bientôt chante,
Frémissante,
La cymbale d’airan!

Choeur d’Esclaves et Musiciens (SA)
Lou! lou!

Choeur (TTB)
La danseuse
Paresseuse
Tressaille de plaisir,
C’est un rêve
Qui l’enlève
Et qu’elle va saisir.
Elle danse
Et s’élance
Incessant tourbillon,
Son pas trace
Dans l’espace
Un lumineux sillon!

Choeur (SA)
Lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou lou lou lou lou
lou lou lou lou lou lou lou lou
lou lou lou lou lou lou lou lou
lou lou lou lou lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou
lou lou lou lou.
Lou! lou!

Choeur (T)
L’amour voile,
Double étoile,
Ses regards languissants,
Et l’ivresse
Qui la presse
S’empare de nos sens!

Choeur (B)
Quand pâmée,
Blanche almée,
Elle succombe enfin
Délirante
Et mourante
Dans son rêve divin.
Choeur (T)
Quand pâmée,
Blanche almée,
Elle succombe enfin
Délirante
Et mourante
Dans son rêve
Dans son rêve divin.
Choeur (B)
Dans son rêve divin.

Dialogue

Haroun
On nous a fait perdre notre temps.
7 bis. Sortie d’Haroun et de ses Amis

Dialogue

Splendiano
On n’y regarde pas de si près.
8. Couplets

Splendiano
Il faut pour éteindre ma fièvre
Une douce réalité,
Et je veux boire à pleine lèvre
Ta coupe ardente, ô volupté!
Je vois ma maîtresse sourire,
Timide elle accepte mes lois,
Je vois ma maîtresse sourire
Timide elle accepte mes lois,
O rêve d’amour! O délire!
Je ne sais plus ce que je vois!
O rêve d’amour! ô délire non, non, non, non
je ne sais plus, non, non, non, non,
Je ne sais plus ce que je vois.

Doucement nous errons ensemble
Sous les ombrages parfumés,
Je presse sa main, elle tremble,
Ses yeux languissants sont fermés;
Je me vois sûr de ma conquête
A peine la défend sa voix,
Je me vois sûr de ma conquête
A peine la défend sa voix,
Rien ne m’émeut, rien ne m’arrête,
Je ne dis plus ce que je vois!
Rien ne m’émeut rien ne m’arrête non, non, non, non,
je ne dis plus, non, non, non, non,
Je ne dis plus ce que je vois.

Dialogue

Haroun
C’est bien, plus tard… on m’attend
[apercevant Djamileh] tiens, c’est la danseuse!
8 bis. Mélodrame

Splendiano
Si vous saviez…

Haroun
Vas-tu me laisser tranquille… Qu’est-ce que tu me veux donc? [regardant Djamileh] tout à l’heure si provocante et maintenant tremblante et inquiète! c’est singulier! Hé! mignonne t’aurait-on dit du mal de moi?
Il veut la prendre dans ses bras, elle se dérobe et s’enfuit vers le fond.

Splendiano
Voulez-vous… il ne m’écoute pas!

Haroun [la pursuivant] Sauvage! comme elle s’enfuit!
[il s’arrête puis riant] Mais c’est délicieux, cette révolte! je reste!

Splendiano
Un mot, je vous prie…

Haroun [vivement, donnant sa bourse à Splendiano] Prends cet or, va jouer à ma place, va.

Splendiano
Mais…

Haroun [impatienté] Obéis donc et tais-toi.

Splendiano [à part, sortant] Après tout, je suis tranquille! je sais bien qu’il la congédiera.
9. Duo Final

Haroun [à part] Est-ce la crainte?
Est-ce un caprice?
Qui l’éloigne de moi?
J’en veux faire l’épreuve.

Djamileh [à part] O nuit, sois moi propice,
Protége mon audace!

Haroun [avec entrain à Djamileh] Elle a peur sur ma foi.
Nous sommes seuls; le ciel est plein d’étoiles!
C’est l’heure qui plaît à l’amour,
Ne tremble plus, laisse tomber tes voiles:
Le temps du bonheur hélas! est si court!

Djamileh [suppliant] Seigneur, seigneur de grâce
Laissez
Mes yeux baissés,
Laissez mes yeux,
De pleurs récents vous dérober la trace…

Haroun
Ici le plaisir, oui, le plaisir remplace la douleur.
Tes larmes! tes larmes! je les veux essuyer de mes lèvres!
De ces regards dont tu me sèvres
Je veux éprouver la douceur!
Plus de larmes! allons plus de larmes!
Djamileh
Seigneur, seigneur! ah! seigneur de grâce,
épargnez ma faiblesse, pitié, seigneur!
Épargnez, seigneur, ma faiblesse!
Notre visage n’est charmant,
Notre visage n’est charmant
Qu’à l’heure où l’amour le caresse,
où l’amour le caresse
De son divin rayonnement!
Haroun
Oh viens donc, belle maîtresse!
Et laisse sur ton front doux et charmant,
Oui, laisse sur ton front charmant,
Éclater d’une ardente ivresse,
L’ineffable rayonnement!
L’ineffable rayonnement!

Djamileh [à part] La frayeur me glace!

Haroun
L’esclave dont tu prends ici la place,
Avait moins de rigeur,
Et je l’aimais…

Djamileh [vivement] Seigneur,
Si vous l’aimiez pourquoi l’avoir bannie?
[à part] Ah! je crains de m’être trahie!..

Haroun
Si j’ai dit que j’aimais, ma chère, entendons nous:
Je n’ai pas enchaîné ma vie,
Etre libre est un bien plus doux!
Lorsque ma maîtresse est partie
Il ne restait rien entre nous…
Rien… qu’un souvenir de tendresse;
Avec la dernière caresse
Nos liens, oui, nos liens s’étaient brisés tous!
Djamileh essuie furtivement une larme.
[Haroun surpris] Elle pleure!
[allant vers elle] pourquoi pleurer? t’ai je offensée?

Djamileh [entraînée] Ah! vous êtes cruel!
[elle s’éloigne]

Haroun
Mais, qu’as-tu donc?
Quoi! tu me fuis encor?
Il la suit. Un rayon de lune éclaire soudainement Djamileh.
[frappé d’étonnement; presque parlé] Ah! Djamileh!
Oui, c’est elle… insensée!
Elle m’aimait!

Djamileh [à part douloureusement] J’espère en vain… son coeur est mort!

Haroun [à part; avec passion] Si l’amour était un mensonge,
Me sentirais-je ainsi troublé?
Bonheur qui me souris, si tu viens dans un songe,
ah! que je meure avant qu’il se soit envolé!
Ah! si l’amour était un mensonge,
Serais-je ainsi troublé?
[il reste muet loin de Djamileh]

Djamileh [à part] Qu’à ma tremblante voix sa colère réponde…
Que m’importe aujourd’hui?..
Avant d’aller dormir sous la vague profonde,
Je veux me révéler à lui!
[avec intention] Cherchant des monts à la plaîne
Son coeur envolé,
Elle allait, contant sa peine, contant sa peine
Au ciel étoilé!
Et sans qu’on en sût la cause,
Cette fleur d’amour
Se flétrit comme une rose comme une rose
Aux ardeurs du jour.
Ainsi mourut l’innocente
Dans son rêve d’or,
A sa vision charmante
Souriant encor!
[à part] Il se tait!
[allant vers lui et d’un ton suppliant] Maître! grâce!
O maître!

Haroun
Ah! je t’ai reconnu!..
[luttant contre lui même] Mais non!.. en vain ti seras revenue…
Je ne veux pas aimer!
[à part] non! ce mot qu’elle attend,
Je ne le dirai pas!!
[résolument et avec violence] va t’en!

Djamileh
Ah!
[avec désespoir] Il se jouait de moi!
[d’une voix brisée] L’amour était ma vie…
O mon maître! mon espérance ravie!
Plus que la liberté c’était toi que j’aimais
Plus que la liberté c’était toi que j’aimais!
Adieu pour jamais!
Elle s’éloigne puis chancelle et tombe dans les bras d’Haroun accouru pour la recevoir.

Haroun [hors de lui] Ah! chère enfant, c’était une épreuve!
O Djamileh! mon âme, mon seul bien,
Il ne me faut plus d’autre preuve,
En comprenant ton coeur,
J’ai retrouvé le mien!
Ta lèvre parfumée,
Ta lèvre peut cesser de mentir,
mon doute est terrassé, mon doute est terrassé,
O douce bien aimée!
Revenons pour jamais aux beaux jours du passé!
Oui, c’est trop, c’est trop, je cède, je cède
Au plus doux transport!
O Djamileh! L’amour me possède,
Non, mon coeur n’est pas mort!

Djamileh
Je triomphe, il cède, il cède
A son doux transport!
Ah! L’amour le possède,
Son coeur n’est pas mort!

Haroun, Djamileh
Ah! viens!
Pour toi je veux vivre!
Ta voix qui m’enivre
A fixé mon sort!
Haroun
Ah! viens, pour toi, pour toi je veux vivre
Djamileh
Ah! pour toi, pour toi je veux vivre
Haroun, Djamileh
oui, ta voix qui m’enivre a fixé mon sort!
Djamileh
Ta voix chérie, ta voix m’enivre,
Je veux vivre pour t’aimer!
Haroun
Je t’aime! je t’aime! je t’aime!
Haroun, Djamileh
Ah! viens!

Splendiano a paru, il fait un geste de désespoir comique! Derrière lui se montrent les amis d’Haroun, à leur vue, Haroun ramène sur le visage de Djamileh le voile qu’elle avait laissé tomber sur ses épaules, puis il passe doucement avec elle.

RIDEAU